24 Janvier 2024

Alfredo Gomez-Muller : "des Droits de la Nature" et du "Vivre Bien"

Une expérience qui donne à penser.

En 2008, la notion de « Droits de la Nature » a été intégrée dans la Constitution de l’Équateur, un pays andin d’Amérique du sud. De l’importance historique de ce fait on retient habituellement, notamment dans les milieux écologistes d’Europe et d’Amérique du nord, son aspect politique et juridique : pour la première fois dans l’histoire politique du monde, les « Droits de la Nature » sont l’objet d’une reconnaissance officielle dans l’ordre constitutionnel d’un pays. Au cours des années suivantes, le retentissement juridique de cette reconnaissance sera en effet considérable en Amérique latine et ailleurs, y compris l’Europe : en Colombie par exemple, pays voisin de l’Equateur, près d’une quinzaine d’écosystèmes (dont onze fleuves et rivières) seront déclarés par la justice comme des « sujets de droits » entre 2016 et 2020, à la suite de requêtes présentées par des collectifs citoyens, comités de quartier, groupes de villageois, associations pour la sauvegarde de l’environnement, etc.

Pourtant, l’importance de la reconnaissance constitutionnelle des « Droits de la Nature » par l’Équateur ne tient pas seulement à sa signification politique et juridique. Elle est liée aussi aux aspects culturels de cette reconnaissance, qui invite à repenser nos idées reçues sur la « nature » et les rapports entre l’humain et le non-humain. Un de ces aspects est l’équivalence, affirmée dans le texte constitutionnel, entre l’idée « occidentale » de nature et la notion andine de Pachamama, que l’on traduit habituellement par « Terre-Mère » : « La nature ou Pacha Mama, où se reproduit et se réalise la vie, a le droit à ce que soient intégralement respectés son existence, le maintien et la régénération de ses cycles vitaux, sa structure, ses fonctions et ses processus évolutifs » (article 71). Introduite dans un contexte marqué par l’effondrement de la biodiversité et par d’importants changements climatiques liés à l’action des humains sur la terre, l’affirmation de cette équivalence vient bouleverser la signification majoritairement établie en « Occident » du mot nature. Elle introduit une série de questions d’ordre éthique, social, politique, esthétique et « philosophique » ouvrant la voie à une réappropriation de certains éléments « oubliés » des mémoires culturelles dites « occidentales », dans lesquelles peuvent résonner d’autres manières de penser et de vivre la relation entre l’humain et le non-humain.

Un deuxième aspect, qui en réalité fait partie du premier, concerne le lien étroit qu’établit le texte constitutionnel entre la question des « Droits de la Nature ou de la Pachamama » et celle du « Vivre bien » ou de la « Vie plénière » (Buen Vivir en espagnol, sumak kawsay en langue kichwa). La Constitution explicite, dans divers endroits, la signification éthique, politique, sociale et économique du sumak kawsay, qui se rapporte à la qualité de la vie humaine : il y est question de « construire une nouvelle forme de vivre-ensemble citoyen, dans la diversité et en harmonie avec la nature, en vue d’atteindre le Vivre bien, le sumak kawsay » (Préambule) ; il est dit que les politiques et les services publics seront orientés de manière à rendre effectifs le Vivre bien et tous les droits (Art. 85/1) ; que pour parvenir à la vie bonne l’État et la société sont tenus d’assumer certains devoirs et responsabilités (Articles 277 et 278) ; que l’objectif du système économique est de garantir la production et la reproduction des conditions matérielles et immatérielles qui rendent possible la vie bonne (Art. 283). En Equateur, comme ailleurs en Amérique latine, la question du Vivre bien prend racine dans l’expérience d’une insatisfaction à l’égard du modèle de vie aujourd’hui hégémonique sur la planète : un modèle économique, social et politique perçu comme insoutenable écologiquement et comme insupportable socialement en raison des destructions, des inégalités et des aliénations multiples qu’il produit. Le caractère insoutenable et insupportable de cet état de la culture appelle une « transformation de la civilisation » qui est le principal noyau de sens des discours sur le Vivre avec plénitude. La tâche critique de ce projet de transformation comporte une dimension critique des modèles culturels qui enferment les personnes et la société dans des modes de vie dépourvus d’horizons de sens et de valeur, et dans lesquels la vie sociale se présente essentiellement comme une guerre de tous contre tous.

Ce titre de la rappeuse et militante Keny Arkana a été diffusé durant la conférence. C’est un écho contemporain à la notion de Pacha Mama. Vous trouverez plus bas les paroles de la chanson:

Keny Arkana – Pachamama

Reçois l’Amour de tes enfants
Qui veulent retrouver ton sein
Qui viennent se connecter ensemble
Pour retrouver le grand Un
Qui ont conscience que nous sommes tout
Et qu’à la fois nous ne sommes rien
Qu’on te doit tout, chère Maman
Déjà mère de nos Anciens
Pardonne le monde et son égo
Bien trop ingrat pour voir le bien
Louons ta gloire et ta splendeur
Pour préparer le jour prochain
Tu es la reine, la mère chérie
Martyrisée par nos engins
Aux vibrations bien trop pures
Pour nos âmes de demis-humains
 

Reçois l’amour de tes enfants
Qui ont conscience et intuition
Qui malgré les interférences
N’ont pas oublié la mission
Chevalier dans la brume
Qui entend sonner le glas
Levant un sabre de feu
Devant un paradis de glace
Pardonne nous la division
Diablo à bien fait son travail
On a retrouvé ta chaleur
Sous leur béton et leurs gravas
Siècle charnier c’est le changement
Qui vient frapper à notre porte
Accueillons-le le cœur léger
Pour passer à une autre époque


Oh Pachamama, Oh Pachamama, Oh Pachamama, Oh Pachamama
source : https://www.paroles.net

30 Septembre 2023

Maboula Soumahoro : Le Triangle et l'Hexagone | Réflexions sur une identité noire

Le Triangle et l’Hexagone est un ouvrage hybride : le récit autobiographique d’une chercheuse. Au gré de multiples va-et-vient, l’autrice converse avec la grande et les petites histoires, mais également avec la tradition intellectuelle, artistique et politique de la diaspora noire/africaine. Quels sens et significations donner au corps, à l’histoire, aux arts, à la politique ?
À travers une écriture lumineuse, Maboula Soumahoro pose son regard sur sa vie, ses pérégrinations transatlantiques entre la Côte d’Ivoire des origines, la France et les États-Unis, et ses expériences les plus révélatrices afin de réfléchir à son identité de femme noire en ce début de XXIe siècle. Ce parcours, quelque peu atypique, se déploie également dans la narration d’une transfuge de classe, le récit d’une ascension sociale juchée d’embûches et d’obstacles à surmonter au sein de l’université.
Cette expérience individuelle fait écho à l’expérience collective, en mettant en lumière la banalité du racisme aujourd’hui en France, dans les domaines personnel, professionnel, intellectuel et médiatique. La violence surgit à chaque étape. Elle est parfois explicite. D’autres fois, elle se fait plus insidieuse. Alors, comment la dire ? Comment se dire ?
Mention Spéciale du Jury – Prix littéraire FETKANN ! Maryse Condé 2020

de 20h à 23h - Centre Social Pluriel(le)s - 2 av. du Général De Gaulle à Tours
Entrée Libre

20 Mai 2023

Olivier Marboeuf : Suites Décoloniales

Parôl sé van
 
Les paroles sont du vent, le vent soulève les graines et les pollens. 
Le vent attisent les flammes et révèle les étincelles. 
Le vent disperse les cendres. 
Les cendres pollinisent les graines. 
Samedi vient partager du vent avec Olivier Marboeuf, amène tes élans et tes courants, y’a mieux que les plantations et la culture intensive. 
 
ATY
 
 
Rencontre/débat et partages poétiques avec Olivier Marboeuf, auteur, poète, performateur, commissaire d’exposition indépendant et producteur de films; autour de ses deux livres parus à l’automne dernier aux éditions du commun, « Suites décoloniales, s’enfuir de la plantation » et « les matières de la nuit ».
de 20h à 23h - Centre Social Pluriel(le)s - 2 av. du Général De Gaulle à Tours
Entrée Libre
Entrée Libre

20 Janv 2023

La condition terrestre, habiter la Terre en communs

Présentation – Rencontre autour du livre « La condition terrestre, habiter la Terre en communs » des co-auteurs: Sophie Gosselin et David gé Bartoli, publié fin octobre aux éditions du Seuil.

Ce livre explore la proposition d’une politique terrestre qui puisse répondre de manière émancipatrice à la catastrophe écologique contemporaine.

de 19h à 21h - Librairie Les Temps Sauvages - 82 av. Grammont à Tours
Entrée Libre

21 Janv 2023

Prolongation de cette présentation par un atelier intitulé « Frise du temps ». Ce sera l’occasion de construire des récits du temps présent qui fassent lien entre des événements personnels, des évènements historiques et des évènements géologiques qui ont pu marquer chacun d’entre nous. Le but de ces « frises du temps » est de décoloniser nos imaginaires et proposer des lectures multiculturelles de l’histoire de manière à répondre à l’urgence climatique et à la dégradation de nos milieux de vie : imaginer un temps qui soigne plutôt que de subir un temps qui détruit.

Venez avec vos histoires, récits, témoignages ou images pour créer votre frise du temps !

de 15h à18h - Centre social Pluriel(le)s - 6 av. du Général De Gaulle à Tours
Entrée Libre

16 Sept 2022

L'Humain et le Non-Humain dans la Culture Mapuche

Dans la culture mapuche de l’Amérique du sud (Chili et Argentine), être une personne signifie se trouver lié à une multitude d’êtres vivants et non vivants, « matériels » et «spirituels», qui débordent l’opposition « occidentale » entre « nature » et « culture. Luz Marina Huenchucoy Millao, mapuche spécialiste en travail social, propose une réflexion sur l’être personne à partir d’une analyse du nom générique mapuche, ainsi qu’une introduction aux savoirs spirituels des Mapuche. Gloria Carrillo Vallejos, anthropologue et collaboratrice de l’Ecole de Cinéma mapuche de la région du lac Budi, présente l’une des productions de cette école : Lafken Ni Az (« La mer livre ses secrets », 12 minutes, sous-titres en français), qui porte sur le lien entre la mer et le peuple Lafkenche (« le peuple de la mer »), l’un des groupes mapuche du Chili.

de 19h à 20h - Centre Social Pluriel(le)s - 6 avenue du Général De Gaulle à Tours
Entrée Libre